Qu'est-ce qu'une organisation apprenante ?
L'organisation apprenante est une entreprise « intelligente » capable de capter et de comprendre les évolutions majeures de ses environnements afin d'y adapter de manière continue et quasi automatique ses compétences « métier » (les savoir-agir individuels)) et « organisationnelles » (les savoir-agir collectifs) nécessaires pour atteindre la performance et construire des avantages concurrentiels.
Elle situe l'apprentissage collectif et individuel au cœur même de ses dispositifs d'alignement stratégique, dont les dynamiques RH liées au management et développement des compétences.
Elle se perçoit comme un « portefeuille » d'intelligences et de compétences en perpétuelle évolution en considérant chaque action comme une source d'apprentissage, d'échange et de transfert d'expériences. L'apprentissage continu, pour tous, est considéré comme une « valeur » : il est organisé, facilité, encouragé et représente un paradigme essentiel du management et du leadership des hommes et des équipes.
Comme le souligne Senge (1990) : « Le rythme auquel les organisations apprennent pourrait devenir la seule source durable d'avantages concurrentiels ». Les capacités d'apprendre et d'adaptation aux évolutions de ses environnements sont désormais deux facteurs clés de la performance globale d'une entreprise. L'entreprise apprenante s'inscrit dans cette vision.
Quels en sont les enjeux ?
Développer une entreprise apprenante représente un enjeu à la fois culturel, organisationnel et de management des Ressources Humaines de l'entreprise.
L'enjeu est, j'ai envie de dire, avant tout culturel. Il l'est à plusieurs titres et se situe à tous les niveaux de l'entreprise. Au niveau de chaque collaborateur, appelé à considérer l'apprentissage continu comme une composante essentielle de sa « fonction ». L'obsolescence constitue la plus importante limite à son potentiel. Il en va non seulement de son évolution professionnelle, mais également de son employabilité. Chaque acteur doit être prêt à quitter ses zones de confort et avoir une parfaite connaissance à la fois de ses potentiels, de ses besoins en développement de compétence et de ses souhaits d'évolution. Cela fera l'objet d'un dialogue « continu » avec l'organisation qui l'occupe, dont sa hiérarchie directe. Cette condition permet de comprendre que l'enjeu dont on parle comporte également une forte dimension de « culture de leadership », à savoir de management des hommes et des équipes. L'organisation apprenante nécessite en effet un management de proximité et des cadres dirigeants conscients de la dimension réellement stratégique des « enjeux compétence » et l'intégrant au sein de leurs comportements, quasi quotidiens, de management et de leadership : accompagner les personnes et les équipes dans leurs dynamiques continues d'apprentissage et de développement. La dimension pédagogique de la fonction de manager, certains parleront du manager-coach, devient dès lors essentielle : il s'agit en fait d'une forme d'opportunisme qui permet de capitaliser chaque « action » individuelle et collective comme source d'apprentissage ou de transfert de compétences, de bonnes pratiques. La compétence est en effet un « savoir agir » : elle se construit, et s'évalue, essentiellement dans et par l'action.
Je situerais, dans cet esprit, le concept de « compétence collective » au sein des conditions culturelles de l'organisation apprenante. La capacité d'agir ensemble de manière efficace, cette fameuse alchimie si particulière aux équipes gagnantes, est, en effet, très dépendante du « climat » existant au sein des entreprises : la question est en fait de savoir si la « valeur coopération » y est présente et partagée. La dernière dimension « culturelle » de l'organisation apprenante s'inscrit dans les dynamiques de changement qu'elle génère : les personnes, les équipes, les structures organisationnelles sont en évolution constante afin de construire la flexibilité demandée par les environnements « mouvants » des entreprises.
L'enjeu est également organisationnel car il impacte les « modes de fonctionnement » de l'entreprise. Les démarches d'implémentation d'une organisation apprenante, dont un aperçu est développé ci-après, impliquent idéalement d'inscrire de manière formelle l'apprentissage continu au sein des processus de travail, des modes de coopération et des dispositifs RH. Construire les compétences organisationnelles de l'entreprise exige de la « méthode ». A titre d'exemple, l'intelligence collective, à savoir le développement d'une conscience stratégique partagée par l'ensemble des acteurs, exige l'implantation de systèmes dont le « MBO » n'en est qu'un levier : il y en a bien d'autre, plus « conviviaux » qui permettent aux acteurs de comprendre et partager un même « Projet d'Entreprise », dont ses valeurs.
L'enjeu est enfin du domaine du management des Ressources Humaines. L'approche par les compétences qu'indique une organisation apprenante, à savoir le fait de manager de manière systémique les trois niveaux de compétence (les compétences individuelles, collectives et organisationnelles) est du ressort des équipes RH. C'est probablement l'enjeu RH le plus actuel pour les entreprises confrontées à la complexité de leurs environnements, tant internes qu'externes. La responsabilité RH dans ce cas précis est non seulement d'implanter les dispositifs « compétence » adéquats, mais consiste surtout à « faire vivre » cette dynamique par l'ensemble des acteurs afin qu'elle crée de la valeur pour l'ensemble de l'organisation. Un vrai défi RH, donc.
Quelles sont les démarches clés à mettre en œuvre pour « devenir » une organisation apprenante ?
Il n'y a pas, aujourd'hui, de modèle « standardisé » d'organisation apprenante. L'organisation apprenante est un effet d'émergence obtenu en agissant sur les trois niveaux de la compétence selon des « géométries » variables dépendantes des enjeux et de la « maturité » en ces matières de l'entreprise considérée.
Relevons cependant quelques dispositifs organisationnels et « bonnes pratiques » culturelles facilitant l'émergence d'une organisation apprenante :
Agir sur les compétences d'organisation : exemples de leviers d'action
Agir sur les compétences collectives : exemples de leviers d'action
Agir sur les compétences individuelles : exemples de leviers d'action
En guise de conclusion, quels seraient vos conseils ?
J'en donnerais trois, qui me semblent prioritaires.
Le premier est de poser le projet au niveau du comité de direction de l'entreprise. Il est impossible de réussir le développement d'une organisation apprenante si le projet n'est pas considéré comme stratégique. Il s'agit bien d'une problématique « d'alignement stratégique » qui consiste à « aligner » les trois niveaux de la compétence aux finalités et enjeux de l'entreprise.
Le deuxième est de poser un diagnostic préalable. Identifier les dispositifs existants et surtout leurs performances respectives. Oser abandonner les processus qui ne créent pas de valeur et implanter progressivement les nouveaux dispositifs qui se révèlent être prioritaires selon leur valeur ajoutée attendue par rapport aux enjeux « business » de l'entreprise.
Le troisième est de se rappeler que l'enjeu majeur de l'organisation apprenante est avant tout culturel. Vous pouvez, comme bien d'autres dynamiques RH par ailleurs, élaborer les systèmes les plus parfaits possibles « sur papier », ils ne produiront pas de valeur ajoutée si les acteurs appelés à les mettre en œuvre n'en comprennent pas le sens ou pire encore n'y adhèrent pas. Avec un appui total des cadres dirigeants de l'organisation, il s'agit, selon moi, de mobiliser et former le management de proximité à leur rôle essentiel au sein du développement des conditions à la fois culturelles et « pratiques » de l'organisation apprenante.